Dans un contexte de lutte contre le dérèglement climatique, l’État souhaite répondre à des problématiques relatives à la transition énergétique et écologique, à la démocratie et citoyenneté et aux services publics. Bien sûr, la fiscalité est aussi concernée, en particulier certains aspects de l’immobilier tels que le cas des passoires thermiques. Ainsi, la loi Climat et Résilience a été promulguée le 22 août 2021 afin d’accélérer la transition écologique de la société et de l’économie françaises. Cette loi ouvre alors de nouvelles opportunités pour les marchands de biens, comme évoqué dans notre article sur ce métier.
Pourquoi la loi Climat et Résilience ? Quelles mesures va apporter cette nouvelle loi en matière d’immobilier et quels en sont les avantages ? Quelles seront les éventuelles sanctions pour les particuliers en cas de non-respect de cette loi ? Comment assurer le bon déroulé d’une rénovation de passoire thermique ? Quelles sont les projections futures de l’État ainsi que des professionnels ?
Quel est le contexte derrière la loi Climat et Résilience ?
Pour poser le contexte, cette loi touche ses origines dans l’émergence du mouvement des Gilets jaunes. Les Français souhaitant du changement vis-à-vis du prix de l’essence, Emmanuel Macron vise large et lance du 15 janvier au 10 avril 2019 le Grand Débat National, afin d’être à l’écoute des Français et d’évoquer leurs attentes, leurs difficultés, leurs colères… en bref, les changements souhaités par le peuple.
Une problématique a été tout particulièrement notable durant cet événement, celle de l’écologie. D’après une enquête de l’institut OpinionWay, 62 % de la population estiment que leur vie quotidienne est touchée par le changement climatique, 86 % pensent pouvoir contribuer à protéger l’environnement et 77 % estiment que leurs actions en faveur de l’environnement peuvent leur permettre de faire des économies. Il s’agit en effet d’un sujet qui touche de plus en plus les Français, qui se veulent plus que jamais acteurs de la transition écologique.
Dans la lignée de cette prise de conscience générale, Emmanuel Macron a dédié une réunion à la transition écologique à Gréoux-les-Bains le jeudi 7 mars 2019, en compagnie des élus du département, dans le but de faire face à l’ « état d’urgence climatique ».
« La transition écologique, elle est partout. Quand on parle dans les débats du mieux vivre […], c’est bien sûr de l’écologie. », évoque le président de la République.
Deux ans plus tard, le 10 février 2021, le Gouvernement a présenté un premier projet de loi contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets. Dans les mois qui suivent, il obtenait l’approbation de l’Assemblée nationale, puis du Sénat, où le texte sera alors modifié et censuré, afin de ne pas entraver l’article 38 de la Constitution.
Que dit la loi Climat et Résilience sur les passoires thermiques et quels avantages peut-on en tirer ?
La loi Climat et Résilience s’adresse, certes, à la transition écologique sur de nombreux points comme évoqué plus tôt, mais elle accorde tout de même 5 mesures notables à l’immobilier, dont une, probablement la plus importante, axée sur les passoires thermiques.
Cette mesure verra son application de manière progressive. Ainsi, dès août 2022, il sera nécessaire de réaliser des travaux de rénovation énergétique pour augmenter le loyer des logements classés F et G (environ 1,8 million de logements). Dès 2025, il sera interdit de les louer, puis de même pour les passoires classées F en 2028 (environ 1,2 million de logements). Enfin, à partir de 2034, il sera interdit de mettre en location des logements classés E (environ 2,6 millions de logements). Pour les DROM, la location sera interdite en 2028 pour les logements classés G et en 2034 pour les logements classés F.
Afin de contrôler les logements mis en vente à compter de 2022, un bilan énergétique comportant des propositions de travaux sera obligatoire pour les logements classés de D à G. Dans le cadre de cette loi, un mécanisme de financement a été mis en place pour régler le reste à charge des travaux de rénovation par le biais de prêts garantis par l’État.
Depuis la pandémie de COVID-19, cette aide s’inscrit dans le cadre du Plan France Relance, et plus particulièrement de MaPrimeRénov’, une aide à la rénovation énergétique calculée selon leur niveau fiscal de référence.
Le bonus « sortie de passoire », dont peuvent bénéficier les ménages en possession d’une passoire thermique (classées F et G), octroie une aide allant jusqu’à 1 500 € et dépend du bilan énergétique réalisé au préalable. Il est à noter que la hauteur de cette aide dépend du profil de la couleur de MaPrimeRénov’ (où le bleu correspond aux foyers très modestes jusqu’au SMIC, le jaune aux foyers modestes, le violet aux revenus intermédiaires et le rose aux foyers les plus aisés), ou encore de la composition du foyer et de la situation géographique.
Cette mesure de la loi Climat et Résilience offre de nombreux avantages, non seulement en faveur de la planète où l’on estime que la disparition des logements F et G génèrerait une baisse d’environ 19 % des émissions de gaz à effet de serre en France, mais aussi pour le secteur de l’investissement immobilier. Premièrement, les notaires ont déjà déterminé que les passoires énergétiques se vendent moins cher. De même, les banques prendront de plus en plus en compte l'étiquette énergie pour octroyer un crédit immobilier aux investisseurs, laissant se développer une dynamique d’intérêt pour les logements économes.
Il s’agit d’une bonne nouvelle pour le marchand de biens. Comme évoqué dans notre précédent article, son activité fonctionne dans le sillage des objectifs et défis gouvernementaux actuels en matière d’écologie. En effet, celui-ci axe majoritairement ses investissements sur les biens nécessitant un rafraîchissement, voire une refonte complète. En conséquence de l’émergence d’une nouvelle demande de renouvellement de son logement, il s’agit d’un terrain juteux s’ouvrant à lui avec les 4,8 millions de passoires thermiques dénombrables aujourd’hui en France.
Quels risques encourt-on en cas de non-respect de cette loi ?
À compter de 2025, si le logement loué ne respecte pas le seuil minimal de performance énergétique (alors devenu critère de décence), le locataire peut disposer d’un recours contre son bailleur. En cas d’inactivité du propriétaire au-delà de 2 mois, le locataire pourra saisir la commission départementale de conciliation, alors veillez à bien respecter les délais convenus par la loi et avec votre locataire.
En cas de recours judiciaire, si le juge constate que le logement ne satisfait pas au seuil minimal requis, il sera dans la possibilité de contraindre le propriétaire à effectuer les travaux nécessaires, imposer la réduction de loyer et imposer des dommages et intérêts à payer au locataire.
Il y a néanmoins des exceptions à ces sanctions. La première étant que les logements soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales qui font obstacle au niveau de performances minimales ne sont pas concernés. Pour citer un exemple, les bâtiments classés sont soumis à une procédure plus complexe pour réaliser une isolation extérieure, qui peut potentiellement mener à une longue attente, voire à un refus de la part des architectes des Bâtiments de France. En vue de ces contraintes, nous vous déconseillons d’engager ce genre d’opérations.
La seconde exception résulte que si vous possédez un logement en copropriété et qu’un(e) copropriétaire refuse les travaux ou que ces derniers ne sont pas conformes au règlement de copropriété, alors vous êtes aussi exempt de la rénovation de votre bien.
Dans le cas où les travaux ne peuvent être ordonnés par la justice, le loyer pourra bien être réduit et des dommages et intérêts seront à payer quoi qu’il arrive.
La réalisation de votre processus de rénovation ne se limite pas à l’état de votre bien, il est aussi dépendant de la manière dont vous l’annotez sur votre annonce et votre contrat de location. À défaut d’être minutieux sur leurs contenus, vous encourrez une amende pouvant atteindre jusqu’à 3 000 euros. On vous explique ce qu’il faut faire pour éviter cela.
Que faut-il retenir pour réussir sa rénovation de passoire thermique tout en respectant la loi ?
Dans un premier temps, le DPE ayant adopté une nouvelle formule depuis le 1er juillet 2021, il est recommandé de réaliser un nouveau diagnostic pour réévaluer votre bien dans le classement. Il s’agirait ici de prendre de l’avance vis-à-vis d’éventuels travaux de rénovation énergétique. Selon la classe de votre logement, un certain nombre de précisions sont à ajouter sur vos documents. Il s’agit d’une décision qui permettrait d’inciter les propriétaires à la réalisation des travaux de rénovation afin de supprimer sur la durée les passoires thermiques.
Dans vos annonces de location, il vous est demandé de mentionner la lettre associée à votre consommation énergétique, ainsi que la classe climat. Attention, il est important de spécifier que la consommation énergétique est excessive pour les biens classés F ou G.
Ajoutez-y le montant de vos dépenses théoriques annuelles de chauffage d’après le DPE en précisant l’année de référence des prix de l’énergie utilisés pour établir cette estimation.
Notez aussi qu’à compter du 1er janvier 2028, l’annonce devra mentionner, pour les logements classés F et G, que la consommation énergétique ne respecte pas le seuil fixé par la loi.
S’agissant du contrat de location, depuis le 1er janvier 2022, vous devez mentionner le montant des dépenses théoriques annuelles du DPE, en pensant bien à préciser l’année de référence des prix de l’énergie utilisés pour établir cette estimation.
Pour les passoires thermiques F et G, ajoutez que la consommation énergétique du logement ne devra pas excéder en 2028 le seuil de consommation d’étiquette E.
Enfin, à compter du 1er janvier 2028, pour les mêmes types de logements, vous indiquerez la même mention que sur votre annonce de location disant que la consommation énergétique ne respecte pas le seuil fixé par la loi.
Quelle est la situation actuelle auprès des propriétaires et quelles sont les projections ?
En termes écologiques, cette mesure ne peut qu’être bénéfique : on baisserait considérablement l’empreinte carbone de l’immobilier. De plus, particuliers comme professionnels bénéficient d’aides de l’État au financement de la rénovation de leurs biens. Et pour plaire encore plus aux marchands de biens, on a vu plus tôt dans quelle mesure cette loi va dans leur sens et leur donnerait une ressource supplémentaire pour réaliser du profit.
Et pourtant, d’après une étude menée par les adhérents de l’UNPI (Union Nationale de la Propriété Immobilière), seuls 30 % des bailleurs se déclarent prêts à rénover leur passoire thermique. Alors, comment expliquer cela ?
Malgré ces avantages alléchants, les marchands de biens évoquent leur inquiétude quant à la faisabilité des travaux. D’un côté, le gouvernement défend son programme MaPrimeRénov’, assurant que les aides propulseraient suffisamment les projets de rénovation des professionnels pour en faire une réalité. D’un autre côté, Pierre Hautus, directeur général de l’UNPI, estime qu’« avec une enveloppe de 1,7 milliard d’euros cette année, le budget de MaPrimeRénov’ revient au niveau de celui du crédit d’impôt pour la transition énergétique de 2018. Sauf qu’à l’époque, on ne parlait pas encore d’interdiction de location... Avec ces nouvelles contraintes, nous estimons que l’enveloppe budgétaire devrait désormais être triplée. »
Ainsi, parmi les bailleurs contre cette loi considérée comme rédhibitoire pour leur activité, 13 % songent à vendre leur bien et 7 % projettent de laisser leurs logements vides, à défaut de pouvoir les louer.