Volontaire ou subie, l’indivision est une situation courante en France. Bien qu’ayant sa raison d’être, ce régime particulier est une source de complexité dont vous devez maîtriser les rouages pour bien gérer votre patrimoine.
Pour des raisons financières ou tout simplement pour vivre en communauté, il est fréquent d’opter pour le régime de l’indivision et d’acheter des biens en commun, mais l’indivision s’applique également lorsqu’un parent décède et lègue des biens à ses enfants (indivision successorale). Cette situation complexe peut être source de tensions pour les héritiers, surtout lorsque le fonctionnement et les mécanismes de l’indivision leur sont étrangers.
Qu’est-ce que l’indivision ? Comment se gère-t-elle ? Quelles sont les dispositions légales qui entourent ce concept ? Comment créer une indivision ? Par quels moyens sortir de l’indivision successorale ? Comment vendre un bien en indivision ? Comment récupérer son apport personnel en indivision ?
Autant de questions qui méritent des réponses. Voici un résumé complet des informations à connaître pour comprendre et gérer avec succès vos biens en indivision.
L’indivision des biens, volontaire ou involontaire ?
L’indivision est une situation juridique où plusieurs personnes sont propriétaires et jouissent ensemble d’un même bien mobilier ou immobilier. Le bien en indivision possède une caractéristique principale : il ne peut pas être réparti, divisé ou vendu sans l’accord de l’ensemble des propriétaires. En effet, il n’y a pas d’indivision lorsque les droits varient d’une personne à une autre. Les personnes qui se retrouvent à posséder un bien sujet à une indivision sont les indivisaires, et le bien en question est un indivis. L’indivision peut être volontaire ou non. Dans le premier cas, il peut s’agir de l’acquisition en commun d’un bien. Vous choisissez alors délibérément de vous associer avec un tiers pour effectuer votre achat. Dans le second cas, l’indivision est subie. Vous devenez alors copropriétaire d’un bien indivis sans vraiment avoir eu le choix. Les cas de succession sont les exemples les plus courants d’indivisions subies.
L’indivision dans le Code civil
L’indivision apparaît dès le code napoléonien. Dans le Code civil de 1804, il est fait mention de cette méthode d’acquisition collective des biens. Concernant son implication juridique, la fin de l’article 815 du Code civil spécifie que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être demandé ». Néanmoins, les difficultés de gestion et de conciliation étaient alors très récurrentes, ce qui se traduisait souvent par des situations conflictuelles interminables entre les indivisaires. Les législateurs sont donc intervenus afin de réviser le statut de l’indivision et de lui donner une ligne directrice claire. Un texte a ainsi été élaboré le 31 décembre 1976 (articles 1873-1 à 1873-18 du Code civil) pour donner le caractère de statut à l’indivision et organiser le régime conventionnel de la situation d’indivision. La loi sur les réformes successorales du 23 juin 2006 apporta ensuite des modifications au régime de l’indivision en rendant légal le droit commun de l’indivision (article 815 à 815-18 du Code civil).
Actif et Passif indivis
La subrogation réelle d’un bien indivis
Ne vous laissez pas impressionner par ce terme juridique quelque peu ronflant. Subrogation veut simplement dire remplacement, changement. On parle donc de subrogation réelle lorsqu’un bien indivis cède sa place à un autre bien. Celui-ci devient d’office un bien indivis, soumis aux mêmes règles que celui qu’il remplace, en vertu de l’article 815-10 alinéa 1er du Code civil ; cela peut notamment être le cas lors de la gestion des indemnités ou des crédits liés à un bien indivis. Par exemple, imaginons qu’un ouragan ait complètement ravagé un bien indivis et que les indivisaires aient été indemnisés. La somme perçue remplace le bien indivis détruit, et cet argent tombe donc d’office en indivision.
Autre exemple, la vente d’un immeuble en indivision par les indivisaires implique que la somme reçue de cette vente remplace le bien vendu. Cette somme tombe donc elle aussi en indivision. La réciproque est également possible : une somme d’argent indivis peut servir à l’acquisition d’un nouveau bien indivis. Les indivisaires peuvent aussi vendre un bien indivis pour en acquérir un tout nouveau. Tous les résultats issus de ces opérations tombent sous le coup de l’indivision. Notez toutefois que le bien nouvellement acquis tombe en indivision de plein droit uniquement lorsque la décision d’achat a été unanime, c’est-à-dire avec le consentement de tous les indivisaires. Dans le cas contraire, seuls les indivisaires concernés par l’achat sont les propriétaires (sous condition de remboursement des fonds indivis utilisés).
Plus-value et moins-value d’une indivision
En économie, la plus-value représente les gains rapportés par la vente d’un bien, et la moins-value représente quant à elle les pertes engendrées. Lors du partage, le bien indivis est réparti selon sa valeur actuelle. Si un indivisaire apporte de la valeur ajoutée à un bien indivis grâce à ses propres ressources, il devient créancier d’une compensation calculée en fonction de la plus-value réalisée. De même, celui qui a participé à la détérioration d’un bien indivis sera pénalisé. Ses charges seront alors calculées en fonction de la valeur qu’aurait eue le bien sans sa détérioration.
Les gains et les revenus d’un bien indivis
Les ressources d’un bien indivis sont les plus-values et les revenus qu’il génère. La première règle de l’indivision est l’égalité des droits sur le bien indivis. Mais il arrive que lors du partage du bien, un indivisaire se retrouve lésé, avec une part non productive, alors qu’un autre indivisaire reçoit une meilleure part. Il faut donc rééquilibrer les parts pour que chaque co-indivisaire ait les mêmes droits sur les fruits du bien indivis. La loi permet à tout indivisaire lésé de faire un recours en vertu de l’article 815-10 alinéa 3 du Code civil. Il doit réagir dans les 5 ans qui suivent le partage du bien indivis. Aussi, selon l’art 815-11 alinéa 1er du code, tout indivisaire peut demander sa part de bénéfices de façon annuelle. Cette demande peut être satisfaite à l’amiable ou devant le tribunal.
Enfin, le Code civil permet à un indivisaire gérant d’être rémunéré pour son travail de gestion. Cette rémunération est prélevée des fruits produits par le bien géré. C’est un droit de rémunération qui n’est pas lié à la réussite de la gestion. Que le bilan soit positif ou négatif, l’indivisaire gérant doit être payé pour son travail.
Les dettes personnelles des indivisaires
L’indivision n’ayant pas de personnalité morale, ce sont les indivisaires qui peuvent agir sur les biens indivis. Ils peuvent ainsi leur conférer un statut de passif (volontaire ou non). Des dettes peuvent en effet exister avant la mise en indivision du bien (gestion de la dette fiscale d’un parent défunt par exemple). Dans ce cas, les enfants héritent de cette dette et doivent l’apurer. Il peut aussi s’agir des dettes contractées dans le cadre de la gestion du bien indivis. L’ensemble des indivisaires ont pour responsabilité de régler ce type de situations, afin qu’elles n’empiètent pas sur l’indivision.
En effet, selon l’article 815-17 al 2 du Code civil, « les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent pas saisir un bien indivis. Pas davantage que la part de leurs débiteurs dans un ou des biens indivis ». Néanmoins, un créancier peut prendre un bien indivis en garantie. L’alinéa 3 du même article donne en effet la possibilité au créancier de provoquer le partage au nom de l’indivisaire débiteur (à condition que la créance soit certaine). Les autres indivisaires ont alors la possibilité de stopper son action en procédant au remboursement de la dette au nom du débiteur.
Dans le cas où l’indivisaire débiteur fait preuve de mauvaise foi et use d’artifices pour ne pas rembourser son dû, le créancier peut alors procéder à la licitation du bien indivis en demandant la vente forcée du bien pour rentrer dans ses fonds.
L’achat d’un bien en indivision
Acheter en indivision permet d’acquérir des biens plus onéreux en mettant en commun le pouvoir d’achat de chaque indivisaire. Vous avez envie d’acheter un bien en commun avec votre conjoint ? Il suffit d’en parler, de rassembler les fonds nécessaires et de passer à l’action. L’achat d’un bien en indivision comporte cependant des risques qu’il vous faut prendre en compte. Pensez d’ores et déjà qu’il vous sera par la suite impossible de décider seul. Certaines décisions doivent en effet se prendre à l’unanimité. En cas de mésentente, la prise de décision est bloquée et une situation conflictuelle naît.
Par ailleurs, en cas de dettes liées au bien en indivision, chaque indivisaire doit participer au paiement. Ce remboursement se fait à hauteur de l’investissement de chacun. Il faut donc être précautionneux avant de réaliser de tels achats pour éviter d’avoir à assurer le remboursement d’une part de dette trop élevée. Enfin, le régime de l’indivision n’est pas définitif. C’est une situation provisoire. Pour rappel, selon la loi : « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision ». Ce qui veut dire simplement qu’on ne peut empêcher un indivisaire de vendre sa quote-part. Si vous commencez à douter de vos projets d’achat en indivision à cause de ces risques, sachez qu’il existe une solution rassurante : la convention d’indivision.
La convention d’indivision
La convention d’indivision est un contrat écrit que les indivisaires peuvent signer. Elle a pour but de prévenir les risques d’un régime d’indivision. Elle dresse la liste complète de tous les biens indivis et précise les droits de chaque indivisaire. Tout manquement à ses clauses entraîne un risque de nullité de l’indivision. Au cas où l’un des biens indivis est un bien immobilier, la convention d’indivision doit s’établir devant un notaire. Elle devra ensuite être publiée au service de publicité foncière. La convention d’indivision est signée pour une durée définie par les indivisaires. Toutefois, ce délai ne peut excéder 5 ans. À l’issue de cette période, les indivisaires sont libres de renouveler cette convention ou non. Elle est tacitement reconduite à la fin du délai. La convention d’indivision fixe les règles et les conditions d’application de l’indivision. Elle doit contenir les éléments propices à une meilleure gestion du bien. Il s’agit le plus souvent des responsabilités liées aux dépenses, aux réparations et aux indemnités d’occupation. Tout ce qui est de l’usage et de l’entretien du bien en question est défini à l’avance. Les indivisaires peuvent également choisir en leur sein un gérant et le désigner dans la convention. Dans le cas où la convention d’indivision est signée pour une durée indéterminée, la vente du bien en indivision est impossible, et aucun indivisaire ne peut alors lancer une procédure de vente du bien, que ce soit en vue de recueillir sa quote-part ou de payer des dettes. Il est donc recommandé d’agir avec prudence lors de la rédaction de la convention. Une fois la convention d’indivision signée, il n’y a plus de retour en arrière possible.
Gérer efficacement une indivision
Le cas le plus courant d’indivision est la situation de succession. En effet, après le décès des parents, les enfants se retrouvent souvent en situation d’indivision subie. Tant que le testament n’a pas été lu et que les biens n’ont pas été partagés officiellement, il faut gérer la maison familiale en indivision. Les biens achetés en indivision le sont grâce à des quotes-parts de chacun des indivisaires. En cas de mauvaise gestion, des tensions peuvent faire surface. Celles-ci peuvent alors créer des frustrations, voire des batailles juridiques. Pour éviter ce genre de situation, il est nécessaire de connaître les règles de bonne gestion de l’indivision. En la matière, la législation n’a pas manqué d’évoluer. Pour gérer les questions relatives à l’indivision, le droit a prévu trois catégories d’actes juridiques. À chacun de ces actes correspondent des règles de majorité distinctes.
Les actes de conservation
Les actes de conservation font allusion aux opérations pour maintenir un bien indivis en bon état. Dans le cas de travaux de réfection d’un bien familial, un indivisaire peut prendre la responsabilité de ces travaux sans l’accord des autres. Il peut s’agir des travaux de réfection de toiture ou bien même de la réfection d’une chaudière défectueuse. Le financement de ces réfections peut se faire de deux façons :
- La première consiste à se servir dans les fonds indivis pour régler les factures de la réfection (ce qui implique que l’indivisaire les détient déjà ou qu’il peut les demander aux autres).
- La seconde consiste à avancer les frais de réfection et à les récupérer lors du partage des biens. Lorsqu’il existe un conflit entre les indivisaires, il est possible de recourir à un tribunal dans le but d’obliger les autres indivisaires à participer aux frais de réparation.
Les actes d’administration
Les actes d’administration sont des actes qui servent à la gestion courante du bien indivis. Ils peuvent par exemple concerner la décision de confier l’administration du bien à une tierce personne ou encore la vente de meubles pour régler des dettes héritées. Avant le 1er janvier 2017, les actes d’administration devaient être décidés à l’unanimité. Il fallait alors un consentement de tous les indivisaires sans exception aucune, mais le législateur a assoupli cette disposition pour éviter toute situation de prise en otage. Depuis, il faut désormais une majorité des deux tiers pour exécuter de telles démarches. Il arrive qu’un seul indivisaire détienne à lui seul les deux tiers requis, il peut alors prendre des actes d’administration, sous réserve d’en informer les autres.
Les actes de disposition
Les actes de disposition concernent la vente des immeubles indivis, ainsi que leur mise en bail commercial et sous hypothèque. Ces actes peuvent sceller le destin du bien en indivision. Il faut donc éviter un abus de pouvoir de la part des indivisaires majoritaires. La prise de ces actes requiert un vote unanime. Mais, un ou plusieurs indivisaires peuvent demander l’aliénation du bien sujet à l’indivision afin d’éviter les obstructions de mauvaise foi. En effet, les blocages mettent en péril la vente des meubles, ils peuvent donc se dégrader et perdre de leur valeur.
L’indivision successorale
L’indivision successorale a lieu lors du décès d’une personne. Il s’agit généralement d’un parent. Cette situation fait rentrer les héritiers en indivision : chacun des enfants est propriétaire d’une partie de l’héritage. Pour rappel, la lecture du testament et du partage des biens clarifie la transmission du patrimoine et met fin à cette indivision par défaut.
Le mandataire successoral
Le mandataire successoral est le représentant des héritiers pour assurer l’administration de la succession. Le mandat peut être tacite ou exprès. Il est tacite lorsqu’un indivisaire s’occupe des actes administratifs sans mandat. Les autres indivisaires le savent, mais ne s’y opposent pas. Le mandat est exprès quand il s’agit de gérer une situation précise. Le mandataire successoral est désigné par un juge lorsque les héritiers sont en mauvais termes et qu’une situation conflictuelle est probable. Le mandataire est alors missionné pour s’occuper de la gestion de toutes les tâches nécessaires. C’est au juge de fixer les droits du mandataire successoral.
L’autorisation judiciaire
L’autorisation judiciaire est utilisée lorsque tous les héritiers ne peuvent pas donner leur avis. Ceci peut être pour raisons de voyage, d’éloignement ou d’absence. Cette autorisation est aussi utilisée lorsqu’un héritier refuse de valider une action. La condition étant que son refus mette en péril l’intérêt commun des héritiers. Les autres peuvent donc mettre en œuvre l’acte sans lui (art 815-5 du Code civil). L’habilitation judiciaire est valable pour les actes d’administration ainsi que pour les actes de disposition.
La vente en indivision
Lors de la vente en indivision d’un bien, il y a des procédures à prendre en compte au risque d’annulation de tout processus. En mai 2009, une loi de modernisation a été votée. Depuis, la vente d’un bien possédé en indivision n’exige plus une décision à l’unanimité. La vente d’un bien en indivision peut désormais se faire avec l’autorisation du tribunal de grande instance, à la suite d’une demande adressée par la majorité des deux tiers. Ainsi, il revient au tribunal de valider la demande de vente du bien indivis. Voici comment faire.
Du tribunal de grande instance au partage
Les indivisaires qui souhaitent vendre le bien et sortir de l’indivision doivent soumettre leur projet à un notaire. Dans cette situation, ils n’ont pas besoin d’un motif ni de justification. Le notaire doit à son tour informer les autres indivisaires du projet de leurs collègues. Ceux-ci ont donc un délai de trois mois pour donner leur avis sur le projet de vente. Un refus ou une absence de réponse conduit le notaire à dresser un procès-verbal de difficultés. Il cède alors son action au tribunal. Ce dernier organise ensuite une licitation par adjudication, c’est-à-dire une vente aux enchères judiciaires (une vente forcée).
La vente d’une quote-part en indivision
La situation d’indivision, vous le savez désormais, implique des quotes-parts. La quote-part est fixée à hauteur de la contribution de chacun des indivisaires. Il est tout à fait normal que l’un d’eux décide de vendre ses parts afin de sortir individuellement de l’indivision et de récupérer son apport personnel éventuel. L’indivisaire en question doit alors informer chacun des autres indivisaires de ses intentions. Dans le mois qui suit la déclaration de vente, un des indivisaires peut se prononcer pour racheter la quote-part à vendre. Cette décision s’accompagne d’un droit de préemption, qui permet à un indivisaire d’avoir la priorité dans l’achat d’une quote-part mise en vente par un partenaire. Le volontaire à l’achat de la quote-part a alors deux mois pour la racheter. Passé ce délai, l’indivisaire voulant vendre ses parts peut se tourner vers un tiers pour lui céder sa quote-part.
La gestion d’un régime d’indivision nécessite des connaissances précises pour anticiper les risques de conflit entre indivisaires et bien gérer son patrimoine.